Interview de Thomas Lienard, CEO de Bone Therapeutics depuis un an, qui livre sa vision et les défis qui attendent l'entreprise.
Intronisé à la tête de Bone Therapeutics, Thomas Lienard se donne pour mission de préparer au mieux le passage de la biotech à la phase industrielle et à la commercialisation.
Arrivé il y a un an chez Bone Therapeutics pour mettre en place un plan d’affaires, Thomas Lienard vient de succéder à Enrico Bastianelli au poste de CEO. Pour lui, l’avenir de la société active dans la thérapie cellulaire des maladies osseuses passera, aux Etats-Unis, par la recherche d’un partenaire. À l’entendre, la thérapie cellulaire a un grand avenir devant elle, ne fût-ce que par son caractère très peu invasif qui permet de réduire la durée d’hospitalisation et d’invalidité.
Qu’est-ce qui vous a incité à rejoindre Bone Therapeutics en novembre 2015?
J’ai été chargé de mettre en place le business development et la planification stratégique. L’entreprise est dans une phase de transition. Il s’agit de se tourner davantage vers la mise sur le marché, et surtout de préparer la phase de commercialisation en répondant à cette question: comment faire d’une avancée scientifique qui a l’air prometteuse un produit rentable qui soit achetable et vendable.
Quels défis devra affronter Bone Therapeutics dans les années à venir?
Le défi le plus évident, c’est le développement clinique. Nous devons démontrer que nos produits apportent une vraie plus-value. Il faut donc faire avancer les études cliniques et espérer que les produits fonctionnent. Il y a aussi la préparation du passage d’une production à petite échelle pour les études cliniques à une production industrielle.
Sur l’aspect commercial et de l’accès au marché, il faut par ailleurs étudier la manière de préparer un package qui soit attractif pour les payeurs publics et privés. Dans les priorités, nous projetons aussi de lancer un développement clinique spécifique aux Etats-Unis. Nous cherchons la meilleure façon de pénétrer ce marché qui est très important pour nous.
Un grand défi sera aussi la commercialisation et l’accès au marché, et les partenariats qui y sont liés.
Avez-vous entamé des démarches en ce sens?
Nous sommes toujours en discussion avec des partenaires potentiels. Il y a deux axes qui sont, pour les Etats-Unis, des partenaires de développement et de commercialisation, et pour le Japon et l’Asie du sud-est, de la mise en licence. En Europe, nous développons nos produits nous-mêmes pour le moment, mais nous restons ouverts à des partenariats. Aux Etats-Unis et au Japon, nous sommes forcés de passer par là. Nous projetons d’ailleurs de lancer un développement clinique spécifique aux Etats-Unis.
Le lancement de la phase commerciale est toujours prévu pour 2020?
Notre produit le plus avancé, c’est le Preob, un produit autologue en ostéonécrose. Comme nous sommes encore dans la phase de recrutement de patients pour la phase 3 des essais cliniques, il est très difficile de donner une date précise. On peut miser sur un horizon 2021. Cela dépendra du temps que prendront les octrois d’autorisations de mise sur le marché.
Où en est le développement clinique de votre produit allogénique?
Il y a plusieurs indications. La principale, c’est la fusion vertébrale lombaire, une procédure qui consiste à enlever le disque intervertébral et à placer une "cage", un petit morceau de plastique, pour fusionner les deux vertèbres et ainsi enlever la douleur. C’est une opération assez classique, mais le problème c’est que dans 25% des cas environ, cette fusion ne se fait pas. C’est très invalidant parce que très douloureux pour le patient, et pour le chirurgien, c’est très compliqué parce qu’il faut par la suite réopérer dans la colonne.
Avec notre produit allogénique, on rajoute des cellules au niveau de la cage pour essayer d’obtenir un taux de fusion plus élevé et ainsi réduire la douleur. Nous en sommes actuellement à la phase 2a des essais cliniques. Nous avons recruté les 16 premiers patients, et nous devrions avoir les résultats d’ici l’été prochain.
Une autre indication, ce sont les fractures avec retard de consolidation. Une fracture guérit en principe en trois mois. Les patients inclus dans notre étude ont une fracture non consolidée dans une période qui va de 3 à 7 mois après la fracture. C’est extrêmement invalidant, d’autant que cela touche des patients jeunes. Les coûts pour la société sont donc très importants.
Il n’y a actuellement pas vraiment d’option thérapeutique pour ces patients. Notre produit permet de remplacer les cellules ostéoblastiques manquantes ou défectueuses, et dans un deuxième temps et de recréer un environnement osseux sain en recrutant les propres cellules du patient.
Vous n’êtes sans doute pas les seuls à vous intéresser aux maladies osseuses et à la thérapie cellulaire…
Non. En thérapie cellulaire orthopédique, il y a quelques acteurs, mais contrairement à nous, ils ne travaillent pas sur des cellules différenciées. Nous prenons la moelle osseuse du patient pour le produit autologue, ou d’un donneur sain pour le produit allogénique, nous prélevons des cellules souches, et avec notre processus, nous les "programmons" pour qu’elles se différencient et deviennent des ostéoblastes – les cellules qui forment l’os.
C’est notre savoir-faire. D’autres acteurs en thérapie cellulaire utilisent des cellules non différenciées. Nous pensons qu’elles sont moins puissantes et moins sûres. D’autres encore utilisent des cellules différenciées ou non différenciées, mais ils n’en sont qu’à un stade préclinique.
Les thérapies que vous élaborez sont très ciblées et plus coûteuses… Vous ne craignez pas d’arriver chaque fois en bout de chaîne, quand toutes les autres options ont été épuisées?
Sur des thérapies complexes, sans doute. Mais il faut savoir que le gros facteur de différenciation de nos thérapies par rapport à ce qui existe en orthopédie, c’est le fait que nos thérapies sont très peu invasives.
Le paradigme actuel, c’est beaucoup d’opérations très ouvertes, avec tous les risques et les difficultés qui y sont liées. Dans un certain nombre de cas, ce caractère "minimally invasive" apporte une vraie plus-value. Il faut savoir aussi que dans beaucoup des indications que nous traitons, il n’y a pas vraiment de solution thérapeutique.
L’enjeu, c’est de réduire le temps d’invalidité des patients. À combien estimez-vous le temps de revalidation?
Nous n’avons pas actuellement de données qui nous permettent de donner un chiffre correct. Mais ce que l’on sait, c’est que les coûts directs sont très importants. Notre thérapie aura un coût, que nous essaierons de réduire au maximum, mais il faut tenir compte aussi des coûts indirects, qui sont très importants également puisqu’il s’agit souvent de patients jeunes qui sortent du marché du travail. Nous pensons pouvoir gagner entre quatre et six mois, mais il nous faut des données de comparaison pour avoir une idée plus précise. Cela viendra au fil des études cliniques.
Avez-vous eu des marques d’intérêt de gros acteurs?
Nous discutons régulièrement avec des partenaires potentiels pour des licences, des partenariats. Il y a un intérêt pour les thérapies que nous proposons, les allogéniques en particulier.
La thérapie cellulaire est très récente, et les partenaires potentiels se familiarisent de plus en plus avec ce genre de thérapie. Et cela va continuer: les acteurs sont de plus en plus nombreux, les technologies de plus en plus au point, et la thérapie cellulaire va de plus en plus loin dans les études cliniques.
Vous avez parlé de Medtronic. Vous pourriez les intéresser…
(rire) Il faut leur demander. On parle à différents acteurs, pas spécifiquement à Medtronic. Il y a des acteurs dans la pharma et dans les technologies médicales (les medtech) qui ont un lien potentiel avec nos indications.
Vous n’envisagez pas une démarche à la Celyad, en acquérant une société qui vous permettrait de vous tourner vers d’autres pathologies?
Ce n’est pas à l’ordre du jour pour le moment. Mais il ne faut jamais dire jamais. À chaque étape, on est obligé de se remettre en question.
Dernière modification par Maxime (21-11-2016 06:41:36)