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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Et coup sur coup, aujourd'hui, deux articles extrêmement intéressants sur l'Inflation, l'emploi et les banques centrales... Le premier de Suisse, l'autre dans l'Echo...


1)

....Et quand il dit "que tout s'est bien passé lors des 3 précédentes révolutions disruptives", je lui rappellerai quand même que plusieurs crises graves et guerres mondiales sont passées par là !!......


Ces problématiques que nous préférons ignorer
26.10.2017 Fabio Lopes
Il y a des hypothèses que les économistes laissent volontiers hors de leur raisonnement et le sujet mérite effectivement réflexion.

Dans le contexte macroéconomique actuel, les banques centrales ont bien du mal à créer de l’inflation. Rappelons tout de même qu’un taux d’inflation raisonnable est considéré comme positif pour la dynamique économique. Et l’inflation est liée au marché de l’emploi. En effet, peu de chômeurs signifie qu’il faut augmenter les salaires soit pour les convaincre de prendre un emploi, soit pour débaucher des salariés en emploi. Hausse des salaires qui se répercute dans le prix de vente du produit ou de la prestation réalisée par ledit salarié, et la machine à créer de l’inflation est lancée.

Par contre avec un nombre trop élevé de chômeurs, il n’est plus possible d’observer cette logique. Et pourquoi y aurait-il plus de chômeurs, surtout si l’on annonce que l’économie est repartie et que la croissance est revenue ? Mais à cause des machines, pardi ! Cette grande tendance à l’automatisation qui permet d’augmenter la productivité tout en réduisant le nombre d’employés.

Raisonnement faux, crieront immédiatement les chantres du progrès. A leurs yeux, l’automatisation croissante libérera les employés des tâches répétitives et fastidieuses afin qu’ils puissent se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Un travail gratifiant pour tous grâce aux machines. Peut-être… mais il est permis de douter que la majorité des employeurs soient dotés d’un tel niveau d’altruisme. La plupart se frotteront plutôt les mains en voyant grossir leurs bénéfices grâce au coup de booster apporté à la productivité d’un nombre désormais plus petit d’employés nécessaires pour effectuer le même travail. Donc le nombre de chômeurs augmente.

Et j’oublie le plus important, diront encore mes détracteurs, puisqu’il est bien connu que ces nouvelles technologies créeront des emplois à foison pour les ingénieurs, informaticiens et autres techniciens, sans parler de tous ces nouveaux métiers qui restent à inventer. Certes, le point est tout à fait valide mais ne répond pas au problème. Je ne suis pas totalement convaincu que le livreur remplacé dorénavant par un drone se recycle en un claquement de doigt en data scientist.

Nous risquons donc d’assister à un découplage au sein du marché du travail, avec d’un côté une pénurie de cerveaux indispensables à la nouvelle économie, et de l’autre des chômeurs impossibles à recycler. Inflation salariale pour les uns, prestations sociales pour les autres. Bref, un scénario à la Germinator (oui, j’ai osé la contraction de Germinal et Terminator). Science fiction ? Peut-être bien, mais comme toujours, les scénarios extrêmes sont les plus intéressants.

Mais revenons les pieds sur terre. Nous avons nos chômeurs pour lesquels tout espoir de réinsertion dans la nouvelle économie diminue de jour en jour. Or il faudra bien survenir à leurs besoins afin d’éviter une révolution, ou du moins une forte avancée des partis populistes. Et pour financer ces prestations sociales, il faudra aussi que l’Etat trouve l’argent quelque part. La fiscalité devra donc augmenter puisque c’est ainsi que se remplissent les caisses du Trésor. L’Etat a d’ailleurs 2 choix, taxer le travail ou taxer le capital. Reste qu’il faudra redéfinir ces 2 concepts dans la nouvelle économie et le débat fait déjà rage entre partisans et opposants à la taxation des «robots».

Bien entendu, tout cet article n’est que du pur délire car l’humanité a déjà connu 3 révolutions disruptives avant celle-ci et tout cela s’est bien terminé. Certes, mais il est un point que l’on oublie souvent : ces révolutions technologiques ont eu lieu dans des économies encore majoritairement portées par les secteurs primaire et secondaire. Ces (r)évolutions technologiques ont déplacé les paysans vers l’usine, ensuite les ouvriers vers les bureaux. Parce que la technologie y a créé de nouveaux emplois. Et l’école a formé aux nouveaux métiers en apprenant à lire et à compter.

Aujourd’hui, dans les économies développées, les emplois sont déjà dans le tertiaire et les évolutions technologiques vont impacter pleinement ce même secteur. Les nouveaux métiers qui en découleront nécessiteront beaucoup plus que savoir lire et compter. Le discours disant qu’il faut apprendre à coder dès le plus jeune âge devrait donc être pris très au sérieux. Mais ceci ne résout pas le problème des personnes plus âgées ayant perdu leur emploi.

Si l’on prend en compte la démographie, l’avenir est encore moins clair, avec une population active qui diminue mais doit supporter une charge fiscale croissante servant à financer l’autre partie de la population composée de retraités et de chômeurs.

Cerise sur le gâteau, dans ce monde sans inflation, les rendements obligataires restent bas. Trop bas pour que les caisses de pension soient en mesure de faire face aux besoins de leurs bénéficiaires.

Les pires scénarios ne doivent pas forcément se réaliser, mais ce n’est pas une raison pour les exclure de toute analyse. Il a toujours été plus facile d’aborder les situations difficiles en étant bien préparé.


2)

Faut-il s'étonner de la faiblesse de l'inflation?


Norbert Gaillard, économiste Et Consultant Indépendant (Echo)

À quelques jours d'intervalle, la Federal Reserve (Fed) et le FMI se sont inquiétés de la faiblesse de l'inflation, respectivement aux Etats-Unis et dans les économies industrialisées. Comment interpréter un tel signal d'alarme?

Commençons par examiner les Minutes de la Fed. Les banquiers centraux américains soulignent que l'indice des prix à la consommation reste désespérément sous les 2% (cible traditionnelle). Plusieurs explications sont avancées: le rétrécissement du marché du travail (ce qui confirme, comme je l'indiquais dans une tribune précédente, que les 4,5% de chômage ne reflètent pas une situation de plein-emploi), les innovations technologiques et la relative stagnation des salaires.

En conséquence, la Federal Reserve entend poursuivre sa politique de lente remontée des taux initiée en décembre 2015. Elle n'a pas bougé en septembre 2017 mais pourrait augmenter les Fed funds en décembre. Un large consensus s'est dégagé lors de la réunion puisque les neuf membres votants ont tous approuvé le statu quo. Ce qui est troublant, cependant, ce sont les opinions des seize membres (votants et non-votants) du Comité de politique monétaire concernant les niveaux appropriés des Fed funds à horizon 2018-2020.

Ces derniers s'échelonnent de 1% à 2,5% en 2018, 3,5% en 2019 et 4% en 2020, soit 300 points de base d'écart à échéance trois ans. Voilà qui laisse dubitatif. Du coup, il est tentant d'analyser les niveaux appropriés des Fed funds anticipés il y a deux ans pour 2017. Les estimations allaient de 1,75% à 3,5%, c'est-à-dire que même le banquier central le plus accommodant à l'époque avait anticipé un taux supérieur à ce qu'il est effectivement aujourd'hui.

Peine perdue
Les divergences entre membres du Comité de la politique monétaire s'estompent dans le temps et convergent systématiquement vers le niveau de taux le plus bas. Il est clair que la Federal Reserve voudrait provoquer un retour de l'inflation pour accélérer la remontée des taux mais c'est peine perdue. Pour en comprendre la raison, il est utile de se pencher sur le World Economic Outlook que vient de publier le FMI.

Dans le chapitre 2 de son rapport, l'institution de Washington déplore également la faible inflation dans les pays développés et la relie à la stagnation des salaires, qui serait due aux efforts des entreprises pour améliorer leur compétitivité, à la faiblesse de la demande, à la peur de nombreux salariés de perdre leur emploi et à l'importance de l'emploi à temps partiel.

Par ailleurs, le FMI considère que l'inflation ne dépassera significativement le seuil des 2% que si les salaires croissent plus vite que la productivité. Le coeur du problème semble identifié: la raréfaction du travail et la "modération" salariale entravent toute véritable reprise en Europe et en Amérique du Nord ainsi que tout retour de l'inflation.

Est-ce si surprenant?
En fait, nous vivons dans une ère de mondialisation et de globalisation financière qui exacerbe la concurrence entre acteurs économiques et comprime les prix et les salaires. Au cours de la première période de globalisation, entre 1880 et 1913, l'inflation annuelle moyenne était inférieure à 1% en France, en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Depuis 1986, elle s'établit à 2%.

En revanche, durant les années 1950-1985, caractérisées par la fragmentation des systèmes financiers et une certaine dose de protectionnisme, l'inflation annuelle avoisinait les 6% dans ces cinq États industrialisés. Le libre-échange et l'innovation ont de puissants effets déflationnistes que nos dirigeants semblent sous-estimer. Favoriser le protectionnisme et entraver la R&D (recherche et développement) apporteraient plus de problèmes que de solutions. Que penser et que faire alors?

D'abord, les inquiétudes liées à la faiblesse de l'inflation masquent une véritable angoisse parmi les économistes: les politiques monétaires ultra-accommodantes conduites depuis près de dix ans auront été des outils inadaptés pour restaurer la croissance.

Tétanie des banquiers centraux
Force est de constater qu'elles ont engendré de l'inflation, mais sur les marchés financiers, pas dans "l'économie réelle". Or, les banques centrales ne sont pas censées prendre en compte l'évolution des prix des actifs financiers et encore moins anticiper la constitution de bulles spéculatives. Cette approche, théorisée dans les années 1990 par Ben Bernanke, prédécesseur de Janet Yellen à la tête de la Fed, est très contestable et explique la tétanie actuelle des banquiers centraux.

Ensuite, les politiques monétaires ultra-accommodantes ont alimenté l'endettement de l'ensemble des acteurs économiques, contribuant donc à gonfler artificiellement la croissance du PIB et même l'inflation. Il est fascinant de noter que le terme "leverage" n'est mentionné qu'une seule fois dans les 29 pages des Minutes de la Fed.

Enfin, dans le contexte actuel de mondialisation et de quatrième révolution industrielle, il est vain d'attendre une augmentation des salaires. Toutefois, les marges de manoeuvre existent: elles sont du côté des dépenses des ménages et non du côté de leurs revenus. Seule une restructuration des dettes privées peut permettre des gains de pouvoir d'achat et, in fine, une stimulation de l'activité économique.

"Aussi vite que possible mais aussi lentement que nécessaire"

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Les illusions perdues de l’Occident

OPINION. L’Occident démocratique ne va pas s’effondrer. Mais s’il entend retrouver sa confiance et son rayonnement passés, il est temps pour lui de reconnaître les causes de sa faiblesse, écrit Pierre Kunz, ancien président de l’Institut national genevois


Dans les années 1980, à l’aube de la libéralisation des échanges mondialisés de biens, de services et de capitaux, les élites politiques alors aux commandes en Occident admettaient que ce grand mouvement allait certes profiter largement aux pays en développement, mais lentement.

Selon eux, ces nouveaux concurrents, la Chine en particulier, ne pourraient pendant longtemps exister que dans les produits bas de gamme. Par ailleurs, leurs populations allaient immanquablement exiger une amélioration significative de leurs conditions d’existence et l’accession à «la lumière démocratique et libérale» telle que la connaît l’Occident, cela au détriment de leur stabilité intérieure.

Trois décennies plus tard, force est de reconnaître que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Les démocraties occidentales ont été débordées dans la course au progrès et aux parts de marchés par ces nouveaux concurrents. Leurs avancées ont été considérables. Celles de la Chine se sont révélées particulièrement fulgurantes et le régime, autoritaire et promoteur d’un capitalisme d’Etat, est toujours bien en place. Il reste très largement soutenu par une population dont le ciment, n’en déplaise aux Occidentaux, n’est pas la main de fer du Parti communiste mais bien ses racines et sa culture confucéennes.
Rejet des droits de l’homme

Sur le plan de la géopolitique, le siège de leader a été de facto abandonné par les USA, désormais «seuls contre le monde». Le président Xi Jinping, à l’occasion du dernier congrès du PC chinois, a jugé le moment opportun pour le réclamer, cela au nom d’un grand dessein dont il a jeté les fondements depuis une décennie.

Il entend faire entrer la planète dans une nouvelle ère, moyennant une «nouvelle pensée» destinée à garantir la paix et la sécurité universelle, celle de «la communauté de destin de l’humanité». Celle-ci sera fondée dans les relations internationales sur les principes de l’égalité, du multilatéralisme, du respect de la souveraineté et des différences.

    Comprend-on que le projet de la Chine marque le rejet du fondement officiel des politiques menées par l’Occident depuis près d’un siècle?

Comprend-on que ce projet et cette formulation marquent le rejet du fondement officiel des politiques menées par l’Occident depuis près d’un siècle, à savoir les valeurs portées par la Déclaration universelle des droits de l’homme? Ils sont l’expression du refus des pays émergents de se conformer aux diktats de la démocratie, utilisés si efficacement par l’Occident depuis deux siècles pour organiser le monde à sa convenance.
Les maux de l'Europe du XXIe siècle

L’Occident démocratique ne va pas s’effondrer. Mais s’il entend retrouver sa confiance et son rayonnement passé, il est temps pour lui de reconnaître les causes de sa faiblesse et de rechercher comment il pourrait résister aux coups de boutoir que lui assènent les pays neufs, gouvernés par des «hommes forts» ou des régimes autocratiques. Et dans cette réflexion essentielle nous devrions nous rappeler les prédictions de Joseph Schumpeter.

Le célèbre économiste autrichien expliquait que trois dangers guettent le capitalisme: l’hypertrophie de l’Etat-providence et sécuritaire au détriment de la responsabilité individuelle et de l’esprit d’entreprise, un égalitarisme insensé, une marée législative et réglementaire. Il est peu contestable que l’Europe du XXIe siècle souffre très profondément de ces maux et que ceux-ci constituent vraisemblablement les causes essentielles de son déclin sur la scène mondiale.
La mission cruciale de Macron

Il importe également que nous nous interrogions sans a priori sur la capacité que possèdent nos concurrents, par-delà les difficultés de tout ordre qu’ils ont évidemment à affronter, de tracer une voie à leur peuple et à leur insuffler enthousiasme et foi en l’avenir. Que nous réfléchissions aux raisons qui font qu’ici, en Europe, nos élites politiques sont devenues des gestionnaires du court terme ayant perdu toute ambition de mobiliser leurs citoyens-électeurs autour d’idéaux élevés et sur des projets exigeants.

A cet égard, la mission que s’est donnée Emmanuel Macron, dernier venu sur la scène politique européenne, sera cruciale. A la différence des politiciens qui gouvernent le Vieux Continent, cet homme intellectuellement solide, charismatique et rassembleur, aussi ambitieux pour son pays que pour l’Europe et lui-même, a élaboré une vision globale des scléroses et des anachronismes qui les rongent.

Empreint du courage de les affronter, il semble déterminé à les en guérir et à mettre en œuvre les vastes réformes requises par le monde nouveau. Saura-t-il redonner aux Français et aux Européens la confiance dans leurs institutions et leurs dirigeants, le goût du rêve collectif, l’enthousiasme, la foi en l’avenir, ces moteurs fondateurs de nos succès passés et de ceux des pays émergents?

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

France (mais lisez donc aussi Belgique...)
Un article du Temps (premier journal francophone Suisse) ou ce que la Gauche ne veut surtout ni lire ni savoir...


France: la prochaine crise économique lui sera fatale

Les Paradise Papers ont soi-disant démontré, dans des pays à consonance marxiste comme la France, l’immoralité de l’optimisation fiscale internationale réalisée par des entreprises qui cherchent à payer le moins d’impôts possible, ce qui est pourtant légal


On peut avoir un autre point de vue de l’optimisation fiscale, à savoir que l’immoralité provient d’Etats racketteurs qui asphyxient l’économie via leurs prélèvements obligatoires, et qui tuent des entreprises tout en étant constamment en déficit.
Trente-cinq ans de socialisme

Mieux. On peut tout aussi bien considérer que les paradis fiscaux sont des Etats à fiscalité normale qui favorisent le développement d’entreprises, l’emploi et la croissance, là où les enfers fiscaux laminent leur économie.

Comme le disait Nietzsche, «c’est par la morale que les faibles tenteront de l’emporter sur les forts». Or, il est bien évident que la France appartient nettement à la première catégorie. Pas moins de trente-cinq ans de socialisme ont beaucoup fragilisé ce pays, car les enfers fiscaux n’attirent pas les capitaux et les entreprises, les faisant fuir sous des cieux plus cléments, car, n’oublions pas, comme le disait Montaigne, que «la richesse est une vertu», en rappelant que tout impôt doit être répercuté dans le prix de n’importe quel produit, et que si vos concurrents internationaux sont moins taxés que vous, ils n’auront aucun mal à vous prendre le marché tout en vendant moins cher, ce qui ne les empêchera pas, bien au contraire, de s’enrichir.

Mais bien d’autres erreurs ont été commises par la France, car les marxistes et leurs théories n’ont jamais de cesse en matière de créativité! Ils ont notamment donné de très nombreux pouvoirs aux salariés face aux employeurs, et, s’il est bien évident que les employés doivent être protégés, les coûts générés par les PME devant les tribunaux prud’homaux, sans oublier les nombreuses tracasseries administratives, en ont découragé plus d’un. Ce qui explique le taux de chômage élevé.
L’immobilier pénalisé par la fiscalité

J’avoue avoir souvent entendu, dans la bouche de chefs d’entreprise français qui étaient pourtant bien intentionnés, la phrase «Pas question d’embaucher, car nous ne sommes pas là pour risquer de perdre le bénéfice d’une année tout en travaillant 60 heures par semaine, alors, qu’ils gardent leurs chômeurs!» Même l’immobilier a été très sévèrement chahuté, là encore par une fiscalité élevée mais aussi parce que certains ministres, telle Cécile Duflot, ont donné tout pouvoir en leur temps aux locataires face aux propriétaires, ce qui a multiplié les impayés et les dégradations intérieures d’appartements.

D’une façon générale, en France, le poids du secteur public et son nombre de fonctionnaires restent trop élevés, avec le constat affligeant, comme le disent de nombreux économistes, que les dépenses de cet Etat vont continuer à augmenter alors même que ce pays connaît une dette officielle de plus de 2100 milliards d’euros! La plupart des nations arrivent généralement à réduire leurs déficits, mais la France ne peut pas baisser sa dépense publique, paraît-il, certaines réductions de coûts n’étant soi-disant pas réalisables par l’Etat français!

Mais que va-t-il se produire lors de la prochaine crise internationale, à laquelle se préparent en ce moment même politiciens, économistes et autres présidents de banques centrales? En effet, tant que rien de particulièrement grave ne survient, le système peut continuer à survivre de lui-même, mais il faut se rappeler que la dernière crise mondiale des «subprime» de 2007-2008 remonte déjà à dix ans, et qu’avec tous nos Etats surendettés (Etats-Unis, Europe, Chine, Japon) et une situation géopolitique plutôt hasardeuse (Corée du Nord, les décisions de Trump, le risque d’embrasement au Proche-Orient, etc.) les sables mouvants sont devant nous, avec un «effet domino» toujours possible, où la faillite d’une banque ou d’un Etat entraîne celle d’un autre et ainsi de suite…
La prochaine crise de la France

Qu’arrivera-t-il alors à la France, elle qui peut aujourd’hui faire le constat d’un déficit public énorme, d’un nombre de chômeurs élevé, et d’une géographie pauvre en matière d’entreprises prospères tout en étant non compétitive dans la mondialisation? Dans le cas le plus probable, une grave crise sociale et politique surviendra. Rappelons que le Parlement européen et le gouvernement français ont prévu des textes de loi tels que la directive bancaire européenne BRRD ou la loi Sapin II pour pouvoir prélever dans l’épargne bancaire et les contrats d’assurance vie de leurs ressortissants pour financer toute crise, l’Etat n’en ayant plus les moyens.

Demain, vraisemblablement et malgré ce qu’elles affirment, les banques centrales feront appel à la «planche à billets» pour imprimer des centaines de milliards pour juguler une crise, ce qui fera perdre beaucoup de valeur à leur monnaie et, pouvant même renforcer la crise économique elle-même, risquera de provoquer un krach boursier et de nombreuses faillites d’entreprises tout en faisant flamber l’or.

Naturellement, et l’histoire de l’humanité le prouve souvent, l’extrême droite et l’extrême gauche se portent souvent assez bien dans ce genre de situations, appelant à des révoltes qui peuvent devenir incontrôlables. C’est vraisemblablement ce qui surviendra, car la profitabilité de l’économie d’un pays ressemble souvent à ce parachute fort utile lorsque tout le monde tombe! La France, elle, par contre, malgré sa riche histoire et son art de vivre si raffiné, semble économiquement lestée de pierres…

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Dette: Trichet redoute une situation "plus vulnérable" qu'en 2008
(23.01.2018 / 16:35:00)

Paris (awp/afp) - L'ex-président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, juge la situation actuelle "plus vulnérable" qu'avant la crise de 2008 avec l'augmentation de l'endettement mondial, estimant que le "détonateur" pourrait se trouver chez les émergents.

"Le risque d'éclatement de bulle financière au niveau mondial est très sérieux. Je ne dis pas qu'il se matérialisera en 2018 ou en 2019, mais c'est un risque important", a affirmé M. Trichet lors d'une intervention à l'occasion du colloque "Risque pays 2018" organisé par l'assureur-crédit Coface à Paris.

"Au niveau mondial comme dans chacun des grands ensembles de pays, l'explosif est là. Le détonateur n'a pas explosé de lui-même, mais l'explosif est potentiellement là", a-t-il insisté, après avoir signalé l'endettement public et privé comme l'un des principaux risques pour l'économie mondiale.

"Nous avons continué après la crise à nous endetter au même rythme qu'avant", a-t-il souligné. "Si cet indicateur a un sens, alors nous sommes aujourd'hui dans une situation plus vulnérable qu'elle ne l'était en 2007-2008", a-t-il prévenu.

"Au niveau mondial, on peut être encore plus inquiet aujourd'hui qu'on ne l'était avant 2007-2008", a-t-il ajouté. "Avec la crise et après la crise, les pays émergents ont découvert les joies du surendettement et ils ont commencé à s'endetter de manière extrêmement rapide", a-t-il regretté.

"Il est probable que le détonateur sera cette fois-ci plutôt dans le monde émergent, à moins qu'il ne corrige sa trajectoire actuelle, que dans le monde des pays avancés", a affirmé M. Trichet.

Selon lui, plusieurs pays émergents ont connu une augmentation "assez considérable" de leur endettement. "La Chine est un exemple, compte tenu de sa taille et de son influence mondiale. Mais il n'y a pas qu'elle".

Du coup, l'ex-président de la BCE, de 2003 à 2011, a également estimé que les "munitions" des Etats étaient inférieures à celles dont ils disposaient en 2008 face à la crise.

La capacité budgétaire pour réagir est "très limitée" en raison de la croissance de l'endettement public. Quant à la politique monétaire, la politique accommodante actuelle ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre, a-t-il estimé.

Dans ce contexte, M. Trichet a lancé un appel aux Etats: "Avec les leçons que nous venons de tirer de la crise internationale de 2007-2008 (...), le pire des dangers serait celui de la complaisance à l'égard d'une croissance qui est encourageante", a-t-il dit.

"C'est le moment de faire tout ce qu'il faut (...) pour faire en sorte que l'on renforce la résilience de l'ensemble de nos économies", a-t-il ajouté.

afp/rp

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

La maladie de la politique belge: des cabinets toujours plus grands

Plus mon cabinet est grand, plus je suis puissant ? Malgré les nouvelles mœurs et les annonces de bonne gouvernance, cela semble toujours être le raisonnement dans la rue de la Loi. Les chiffres des gouvernements flamand et bruxellois, relatifs au nombre de membres du cabinet de leurs ministres, dressent un tableau particulièrement sombre : tant Jambon I que Vervoort III ont vu les budgets du personnel augmenter à nouveau l’année dernière. Avec 340 membres de cabinet, le gouvernement de la Région bruxelloise détient la palme par habitant. Mais la coalition de Jan Jambon (N-VA) voit aussi son nombre de collaborateurs s’agrandir : il y a maintenant 288 employés, une augmentation considérable. Au niveau fédéral, la Vivaldi comptait au départ pas moins de 838 cabinettards, avec une augmentation de 25 % du budget par rapport au gouvernement précédent. L’opposition fait pression pour obtenir une mise à jour de ces chiffres, mais pour l’instant elle ne l’obtient pas.

L’actualité : Les cabinets flamands progressent pour la troisième année consécutive.

« Wat we zelf doen, doen we beter » (ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux) est un vieux principe du gouvernement flamand. Mais les derniers chiffres concernant le nombre de membres du cabinet du gouvernement flamand ne vont pas tout à fait dans ce sens. Une mise à jour montre que l’exécutif flamand a encore un peu gonflé en 2021, en termes d’employés.
Par rapport à 2019, l’année où Jambon I a commencé, il y a une grande différence : à cette époque, le gouvernement flamand comptait un total de 231,8 employés à temps plein. En 2020, ce chiffre est passé à 265,9 ETP, puis à 266,95 ETP. Désormais, ce chiffre passe à un total de 288 cabinettards, soit une moyenne de 32 collaborateurs par ministre. Ils ont coûté au total 23 millions d’euros.
Fait remarquable: ce sont les vice-ministres-présidents qui ont les cabinets les plus importants : outre Crevits et Somers, Ben Weyts (N-VA) a également un cabinet de 38 personnes.
C’est surtout Somers, qui, en tant que ministre de l’Administration interne du gouvernement flamand, est responsable des fonctionnaires flamands. Il est critiqué par l’opposition. Alors que le gouvernement flamand critique la Vivaldi pour ses cabinets trop importants, l’inflation de personnel semble aussi gagner le nord du pays.
Accrochez-vous : ce n’est encore rien comparé aux cabinets francophones.

Ce matin dans La Libre, le ministre bruxellois du Budget Sven Gatz (Open Vld) a communiqué les chiffres du gouvernement Bruxelles-Vervoort III. Ils montrent une équipe qui, pour une région d’un peu plus d’un million d’habitants (sans responsabilités communautaires), compte beaucoup d’employés.
Ainsi, le ministre-président Rudi Vervoort (PS) compte pas moins de 76 collaborateurs, contre 35 pour Jambon. C’est un petit peu mieux que ce qu’avait constaté le Groupe d’étude et de réforme de la fonction administrative (Gerfa) l’année dernière, avec 82 collaborateurs à l’époque. En moyenne, un cabinet bruxellois compte aujourd’hui 43 employés. Au total, l’exécutif bruxellois compte 340 collaborateurs, répartis sur huit ministres et secrétaires d’État.
Le prix de revient est lui comparable à celui de la Flandre : 23,1 millions d’euros. Il est en hausse par rapport à 2020. Mais ce chiffre est trompeur : il y a 158 employés « détachés » ou empruntés aux administrations. Ils coûtent beaucoup moins cher dans le budget, mais c’est bien sûr le contribuable qui paie la note au final.
Sur ces 23 millions, quelque 2.235.000 euros sont destinés aux salaires des ministres et des secrétaires d’État, précise M. Gatz. Ainsi, un ministre bruxellois moyen gagne 279.000 euros par an, soit 23.288 euros bruts par mois, écrit La Libre.
Avec ces chiffres, Bruxelles est incontestablement en tête par habitant. Dans l’équipe Vivaldi, la moyenne, selon un calcul établi par la VRT, était de 41,9 employés par ministre, en début de législature. Ce qui porte le total à 838 collaborateurs pour l’ensemble de l’exécutif, pour un coût de 68 millions d’euros par an. Mais les compétences et le nombre d’administrés sont bien plus larges.
La Wallonie n’est pas en reste, même si le nombre de collaborateurs est désormais plafonné. Cela reste très large : le ministre-président wallon Elio Di Rupo (PS) a droit à un maximum de 68 ETP, et les cabinets des vice-ministres-présidents sont également limités à 55 employés. Le gouvernement wallon compte au total plus de 416 employés, selon le Gerfa. Prix de revient: 25 millions d’euros pour un peu plus de 3,7 millions d’administrés.
Mais la grande différence avec la Flandre, outre la démographie, c’est qu’il faut y ajouter les compétences communautaires de l’exécutif de la fédération Wallonie-Bruxelles, composé d’un ministre-président et de 4 ministres compétents. En tout, les francophones compteraient plus de deux fois plus de collaborateurs que les néerlandophones pour 6,6 millions d’administrés flamands contre 4,9 millions d’administrés francophones (en ce compris les germanophones).
Zoom sur la Vivaldi : il y a un écran de fumée autour des cabinets fédéraux.

Au départ, la nouvelle équipe fédérale voulait faire les choses « autrement » et apporter un vent de fraîcheur dans la rue de la Loi. Immédiatement, l’agrandissement des cabinets a été une fausse note pour commencer la partition. Pour la Vivaldi, le budget de ces cabinets a augmenté de près de 25 %, passant de 56 millions d’euros à 68 millions d’euros par an à la fin de 2020.
L’explication donnée était de la réalpolitique plutôt froide : il y avait simplement plus de partis dans cette coalition, et donc plus de vice-premiers ministres, chacun d’entre eux ayant besoin d’une batterie de collaborateurs pour « contrôler » les autres ministres. Chaque vice-premier ministre peut en effet s’immiscer dans les activités des autres ministres de l’équipe fédérale et veiller à ce que tout ce qui se passe soit approuvé par l’ensemble. Un système de méfiance mutuelle : la politique de pouvoir classique dans la rue de la Loi.
Ainsi, le nombre de membres du personnel est passé de 769 dans le gouvernement Michel à 838 pour De Croo I. Mais pour être de bons comptes, le nombre d’employés par cabinet a légèrement diminué, de 42,7 par ministre pour Michel à 41,9 pour De Croo.
Mais l’équipe fédérale n’a pas encore fait de mise à jour par rapport à ces chiffres. Le député nationaliste Sander Loones (N-VA) le demande depuis décembre 2021 : il a envoyé à chaque ministre une demande pour rendre compte du nombre de membres du personnel. La raison est simple : dans son discours sur l’État de l’Union d’octobre 2021, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a annoncé une « économie de 1,11 % dans les administrations et les institutions », pour 2022.
Mais est-ce que cela s’applique aux cabinets, et surtout, est-ce que cela a déjà été mis en œuvre au sein de la Vivaldi ? Seuls le vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS) et le secrétaire d’État Sammy Mahdi (CD&V) ont donné des réponses, le reste des 17 ministres se sont tous référés au Premier ministre lui-même, « qui apportera une réponse générale ».
« Aucune réponse ne peut encore être donnée, car il y a encore des paiements en cours. (…) Il reste un certain nombre de facteurs incertains, tels que l’impact du COVID. Et les salaires et les fonds de roulement ont également été indexés en raison de l’inflation », a déclaré De Croo à Loones. Ce dernier a continué d’insister, ce qui a été suivi d’une autre réponse le 17 mai : « Les économies concrètes ne peuvent être signalées que lorsqu’elles sont décidées », a répondu De Croo.
Loones, quant à lui, a fait appel à la présidente du Parlement, Éliane Tilleux (PS), pour obtenir une réponse plus concrète (c’est-à-dire les chiffres actuels). « Le Parlement doit être correctement informé, c’est fondamental », a-t-elle affirmé, sans résultats pour le moment.
L’essentiel : un cercle vicieux ne se brise pas facilement.

Qui gouverne réellement ? Un ministre travaille-t-il avec une administration, une minuscule cellule politique et quelques employés chargés de la communication, ou a-t-il besoin d’une cour entière, y compris du personnel qui élabore réellement la politique, rédige les lois et répond aux questions parlementaires ?
Grosso modo, l’Europe peut être divisée en deux modèles :
Le modèle de l’Europe du Nord, dont les Pays-Bas sont un excellent exemple, dans lequel les administrations fixent en grande partie les lignes directrices, et les ministres donnent une interprétation beaucoup plus restreinte de cette « élaboration de la politique ». Cela suppose une neutralité totale des administrations, qui appliquent alors aussi loyalement les choix politiques des ministres.
Le modèle de l’Europe du Sud, avec comme exemple la culture française des grands cabinets. Ici, il y a des équipes en constante évolution qui font bien plus qu’esquisser une politique : elles participent activement à la politique au jour le jour. Cela va de pair avec une administration hautement politisée, dans laquelle chaque grand parti au pouvoir a ses « pions ». Si ces pions sont d’une autre couleur, ils doivent être contrés par les membres de chacun des cabinets.
La culture des cabinets politiques belges est très proche de celle des Français. Un tel cabinet pour un vice-premier ministre devrait donc agir de manière « défensive » et surveiller tout particulièrement si les hauts fonctionnaires, les chefs de cabinet et donc les collègues ministres ne sortent pas des sentiers battus ou ne font pas passer des choses avec lesquelles ils ne sont pas d’accord. Gouverner avec une bonne dose de méfiance mutuelle entre les partenaires de la coalition et l’administration, donc, et avec un modèle politique très coûteux en conséquence.
Ce modèle fait l’objet de critiques depuis des années. Au sein du gouvernement flamand, il y a eu, à un moment donné, une ambition de faire les choses différemment, et d’aller davantage dans la direction « néerlandaise ». Mais dans le même temps, l’administration flamande est devenue un bastion de nominations politiques, où il est difficile de maintenir que les hauts fonctionnaires font leur travail de manière totalement « neutre ». Il en résulte que le gouvernement flamand maintient ses cabinets un peu plus petits (tout est relatif en Belgique), mais qu’il ne s’en débarrasse pas non plus, comme les Pays-Bas.
Enfin : avec les cabinets s’accompagne une culture de grande cour autour des ministres et des secrétaires d’État. Quelle PME saine de trente ou même soixante employés dans le secteur privé emploie son propre cuisinier ou ses chauffeurs ? Cela semble dépassé, même si les politiciens eux-mêmes ne veulent pas l’entendre.
De plus, ces dernières années, avec la montée en puissance des réseaux sociaux, une toute nouvelle équipe d’agents de communication et de photographes/vidéastes internes, qui marchent en permanence dans le sillage du ministre, s’est ajoutée à l’organigramme ministériel. Les économies dans ce domaine sont la dernière chose à laquelle les politiciens veulent penser.

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Température, inflation,... : l'été des records

L'opinion de Philippe Ledent, senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

a BCE affiche sa volonté de rattraper la réalité d'une inflation galopante: si l'on n'augmente pas les taux avec vigueur maintenant, quand le ferait-on?

L'été 2022 restera dans les mémoires pour ses températures record, après l'épisode d'extrême chaleur que plusieurs pays européens ont connu. Sur le plan économique, les chiffres record de l'inflation (8,6% en juin dans la zone euro, 10,5% en Belgique selon la mesure d'Eurostat) marquent aussi les esprits, sans compter que de nouveaux records pourraient encore être atteints en juillet.

Face à cette inflation record, cet été 2022 restera aussi dans les mémoires comme LE moment où la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de relever ses taux d'intérêt. Ce n'était plus arrivé depuis...2011. Par ailleurs, alors qu'elle avait initialement prévu de relever les taux d'un quart de pour cent, la décision de doubler la mise au dernier moment est intéressante à plus d'un titre.

Tout d'abord, cette décision permet à la BCE de sortir plus rapidement que prévu la zone euro de la période de taux négatifs. Ont-ils été une bonne chose pour l'économie européenne? Il faudra probablement encore un peu de temps pour analyser l'apport exact de cette stratégie atypique. La banque centrale américaine ne s'y est d'ailleurs jamais risquée. Certes, elle a permis aux gouvernements de bénéficier de taux d'intérêt particulièrement attrayants. Mais elle a aussi eu un coût pour les épargnants.

Ensuite, on sait bien que la hausse de taux du 21 juillet dernier ne fera pas baisser l'inflation à court terme. Cette hausse, ainsi que d'autres hausses potentielles, visent toutes à réduire les anticipations d'inflation et à restaurer la réputation et la crédibilité de la BCE en tant que combattante de l'inflation. En actant une telle décision, la BCE affiche sa volonté de rattraper la réalité d'une inflation galopante: si l'on n'augmente pas les taux avec vigueur maintenant, quand le ferait-on?

Enfin, la décision du 21 juillet montre peut-être aussi que la fenêtre permettant à la BCE de poursuivre ce que Mme Lagarde avait encore appelé en juin un long voyage se ferme rapidement. Et dans ce contexte, il valait mieux procéder au plus vite au relèvement de taux d'un demi pour cent prévu initialement en septembre. Mais sur ce point, il faut avouer que la BCE est assez floue. D'un côté, elle ne stipule plus qu'elle procédera à "de multiples hausses de taux" mais prendra ses décisions "réunion après réunion". La voilà donc bien moins certaine de l'évolution économique des prochains trimestres. Mais d'un autre côté, Mme Lagarde continue de marteler que la volonté de retrouver une série d'activités (dont le tourisme), l'utilisation de l'épargne accumulée durant la pandémie et les mesures de soutien des gouvernements pour faire face à l'augmentation des prix de l'énergie sont de nature à maintenir la consommation des ménages. Ces arguments, que je prends personnellement avec beaucoup de prudence tant ils me paraissent optimistes dans la situation actuelle, plaideraient pour relever davantage les taux afin de freiner la demande et, à terme, l'inflation. Mais ne serait-ce pas un peu le serpent qui se mord la queue...?

En pesant ces différents arguments, on peut envisager une nouvelle hausse des taux de 50 points de base au total avant le début de l'hiver. Par la suite, comme je le disais, la fenêtre sera refermée. Au lieu d'un long voyage de relèvement des taux, la normalisation de la politique de la BCE ressemble plutôt à un short break.

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Un appartement de fonction et une allocation de logement: le fructueux cumul de certains ministres . Nicolas De Decker Journaliste au Vif Du 04/08/2022 du Le Vif

La Régie des bâtiments paie chaque année 100 000 euros pour louer des appartements de fonction sur le marché privé à des ministres fédéraux qui perçoivent déjà une allocation de logement défiscalisée de quelque 2 000 euros par mois. Embarras au gouvernement.


Comme Le Vif, le député fédéral PTB Marco Van Hees voulait savoir quels ministres disposaient d’un logement de fonction loué sur le marché privé, «à combien s’élèvent les frais pris en charge par l’Etat» et si le cumul est légal. Comme Le Vif, il n’ a pas obtenu de réponse. © belga image
BELGIQUE
Un appartement de fonction et une allocation de logement: le fructueux cumul de certains ministres
Nicolas De Decker
Nicolas De Decker
Journaliste au Vif
10:37
Du 04/08/2022 du Le Vif
La Régie des bâtiments paie chaque année 100 000 euros pour louer des appartements de fonction sur le marché privé à des ministres fédéraux qui perçoivent déjà une allocation de logement défiscalisée de quelque 2 000 euros par mois. Embarras au gouvernement.


On appelle ça noyer le poisson. «Entretenir volontairement la confusion pour tromper ou pour lasser», selon Le Larousse.

Début juillet, le Premier ministre, Alexander De Croo, a offert une courte master class en noyade de vertébrés aquatiques à branchies aux députés de la commission de l’Intérieur, de la Sécurité, des Migrations et des Matières administratives.

Il répondait enfin à une question soulevée par Le Vif le 9 juin dernier, au sujet du cumul, offert à certains ministres fédéraux, d’une indemnité de logement défiscalisée et d’un logement de fonction.

C’est évidemment absurde, comme un employeur qui donnerait à la fois une voiture-salaire et une prime à l’ achat d’une voiture à ses employés, ou des chèques-repas et de la nourriture gratuite, ou des vêtements de travail et de l’argent pour en acheter, ou un pécule de vacances et des congés sur le dos de la fosse.

Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral.
Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral. © National
Mais c’est légal, puisque les circulaires régissant le statut des ministres, qui n’ont pas l’obligation d’être publiées au Moniteur belge, doivent simplement être adoptées par les gouvernements eux-mêmes pour prendre cours.

Celle sur laquelle s’appuient les rémunérations et les avantages ministériels, datée du 1er juillet 1996, sert de base à toutes les suivantes, dont les modifications, donc, n’ont jamais été publiées.

Elle prévoit, en plus du «salaire» du ministre, qui est normalement éligible à l’impôt sur le revenu, d’offrir à l’éminence des dédommagements forfaitaires pour sa représentation, ses dépenses domestiques et un logement.

En 2009, le Crisp estimait ces dédommagements à 1 571 euros mensuels pour les dépenses domestiques ou le logement, et 314 euros pour les frais de représentation. Ces montants, indexés, ont nécessairement augmenté. Sans qu’on ne sache au juste de combien puisque les tableaux qui se trouvent dans le budget de l’Etat ne font référence qu’à un montant global, sous le vague intitulé de «Traitement et frais de représentation du ministre».

Et vu que les circulaires réglant ce sujet ne sont pas publiées au Moniteur…

Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral.
Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral. © National
18 000 euros par an
Il existe donc des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral.

C’est le cas de David Clarinval, remarquions-nous en juin, pour qui la Régie des bâtiments paie, chaque année, quelque 18 000 euros de loyer à un propriétaire privé bruxellois afin que le ministre dispose d’un logement dans la capitale, et pour qui l’Etat paie en même temps, chaque mois, une indemnité non soumise à l’impôt afin qu’il puisse disposer d’un logement à Bruxelles.

Le système étant légal mais absurde, avantageux mais gênant, il est donc joyeusement caché. Alexander De Croo, dont le gouvernement à la cohésion déjà fort douteuse avait d’autres dossiers autrement moins anecdotiques à traiter, avait autre chose à faire que de se livrer à un exercice de franche transparence, le 5 juillet dernier, à la commission de l’Intérieur, de la Sécurité, des Migrations et des Matières administratives.

Lire aussi | Pouvoir d’achat, pensions, budget…: ce que De Croo voulait et ce qu’il a réellement obtenu

C’est ainsi que pour ne pas devoir exposer certains de ses ministres à l’embarras, le Premier ministre a noyé le poisson.

Le député fédéral PTB Marco Van Hees, qui avait déjà posé des questions écrites laissées sans réponse à ce sujet, évoquait Le Vif du 9 juin pour lui poser une question orale, à laquelle le Premier ne pouvait pas ne pas, formellement, répondre.

Mais à laquelle il s’attela pourtant à ne céder que le minimum d’informations factuelles.

Comme quand on noie un poisson, quoi.

Marco Van Hees, comme Le Vif, voulait savoir quels ministres disposaient d’un logement de fonction loué sur le marché privé, «à combien s’élèvent les frais pris en charge par l’Etat», et si l’on pouvait décemment cumuler cet avantage avec une indemnité de logement.

«Tout d’abord, aucun membre du gouvernement ne dispose automatiquement d’un logement de fonction, comme c’est le cas, par exemple, pour les gouverneurs.

Un ministre reçoit une allocation de logement forfaitaire pour son logement privé. Plusieurs ministres ont également la possibilité, en fonction des besoins réels de l’exercice de leur fonction, de disposer d’un logis à Bruxelles, soit dans les bâtiments de l’Etat ou du cabinet, soit dans un appartement spécifiquement désigné.

Cela concerne les membres suivants du gouvernement: Wilmès, Van Peteghem, Vandenbroucke, Clarinval, Lalieux, Verlinden, Kitir, Mahdi, Michel et moi-même», commença Alexander De Croo.

Ministres en tas et poissons en bancs
Notons qu’à ce moment, Sophie Wilmès n’avait pas encore été remplacée par Hadja Lahbib et que le remplacement de Sammy Mahdi par Nicole de Moor était tout récent.

Le poisson suffoquait déjà un peu après la comparaison avec les gouverneurs de province.

Il étouffa complètement dès les phrases suivantes, dès lors que le Premier ministre ne fit qu’un tas de ses ministres, sans distinguer ceux qui, dans leur cabinet, peuvent profiter d’une petite chambrette ou même d’un lit de camp – il paraît que ça existe – et ceux pour qui l’Etat loue un bien sur le marché privé.

On observera tout de même que parmi les membres de l’Exécutif qui «disposent d’un logis à Bruxelles», soit dans leur cabinet, soit sur le marché, il se trouve une proportion non négligeable de Bruxellois ou d’habitants de la périphérie (Karine Lalieux, Sophie Wilmès puis Hadja Lahbib, Sammy Mahdi puis Nicole de Moor) et que deux d’entre eux (Mathieu Michel pour le Brabant wallon et Frank Vandenbroucke pour le Brabant flamand) résident dans une province limitrophe.

Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral.
Il existe donc bien des ministres au gouvernement fédéral qui reçoivent, en plus de leur traitement, autour de 2 000 euros nets afin de se loger tout en étant logés gratuitement par l’Etat fédéral. © National
Le Premier ministre lui-même est concerné par ce cumul puisque, tout en percevant cette «allocation de logement forfaitaire», une résidence lui est attribuée, rue Lambermont.

Cet hôtel de maître qui borde le parc royal est devenu la résidence officielle des Premiers ministres depuis la Libération et elle est aujourd’hui bien plus officielle que résidentielle: les activités et les réunions qui s’y tiennent ne sont que rarement d’ordre privé et aucun Premier ministre n’y loge plus depuis des lustres.

«Pour moi, il s’agit en effet du bâtiment sis rue Lambermont qui a plusieurs fonctions, mais qui est, dans mon cas, uniquement utilisé pour les besoins réels de l’ exercice de ma fonction. Je n’y ai jamais logé jusqu’à présent et je n’ai pas du tout l’intention de l’utiliser pour du logement. Je dors chez moi et c’est très bien», confirmait d’ailleurs Alexander De Croo.

C’était une diversion pour ne pas laisser le poisson respirer tout en admettant qu’il recevait de l’argent pour se loger, argent qu’il ne dépensait pas pour ça, ainsi qu’un logement où il ne se logeait pas, et ce n’était pas fini.

Logement de ministres: 96 372 euros
La noyade du poisson par la masse se poursuivait ensuite, puisque l’habitant de Brakel ne citait ni David Clarinval ni aucun autre collègue lorsqu’il s’agissait de recenser ceux à qui un «logis à Bruxelles» était offert à l’extérieur de leur cabinet.

«En ce qui concerne les frais d’hébergement direct de la Régie des Bâtiments, cela représente un total annuel d’environ 96 372 euros. En ce qui concerne les frais annexes, cela dépend de la situation. Certains coûts sont absorbés par la Régie des bâtiments qui fournit le bien ; dans d’autres cas, les frais sont payés par les crédits du cabinet. Pour cette raison, il n’est pas possible de donner un calcul global de ces coûts. Je n’ai pas connaissance de l’ emploi du personnel spécifique. Il s’agit d’une pratique administrative telle qu’appliquée par la Régie des bâtiments ou telle que prévue dans les conventions pour les bâtiments ou pour des cabinets en particulier», insistait-il encore en commission.

L’ agrégation des loyers payés nous apprend au moins que David Clarinval qui, depuis Bièvre jusqu’à Bruxelles, doit rouler près de 150 kilomètres, n’est pas le seul à recevoir de la Régie un appartement de fonction et de l’Etat une allocation de logement.

Si, chaque année, la Régie des bâtiments débourse au total 96 000 euros pour payer des loyers aux ministres, et que celui de David Clarinval s’élève, selon les notes que nous avons pu consulter, à 18 000 euros, on peut raisonnablement estimer que quatre autres membres du gouvernement De Croo sont logés à la même généreuse enseigne.

La réponse d’ Alexander De Croo, plus solidaire avec les copains que jamais, ne nous permettra pas d’en savoir plus. «Pour des détails spécifiques, vous pouvez vous adresser au secrétaire d’Etat responsable de la Régie des bâtiments ou aux membres respectifs du gouvernement», concluait-il, le 5 juillet.

Bien sûr, Marco Van Hees a trouvé la réponse «insatisfaisante», puisque «De Croo ne se justifie nulle part sur le double emploi entre les indemnités de logement et les logements de fonction, et qu’il ne les différencie pas selon le type de logement». Bien sûr, il enverra des questions au secrétaire d’Etat responsable de la Régie des bâtiments, Mathieu Michel, ainsi qu’aux membres respectifs du gouvernement.

Il n’est pas le seul.

Après la séance de la commission, on a sollicité le cabinet du Premier ministre.

On nous a répondu qu’il valait mieux demander au cabinet de Mathieu Michel ou à la Régie des bâtiments, qui avaient transmis les informations.

On a demandé au cabinet de Mathieu Michel. On nous a dit que le personnel de la Régie des bâtiments était en vacances et que ça prendrait du temps de retrouver les informations transmises.

On a demandé à la Régie des bâtiments. On nous a répondu que c’était une question relevant de la tutelle politique et qu’elle seule pouvait transmettre ces informations.

On essaie encore et toujours de noyer le poisson.

Mais il respire encore. Parce que la confusion est entretenue, mais qu’on ne se lasse pas.

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

L'Europe s'enfonce dans la précarité énergétique (l'Echo)

L'Europe est aujourd'hui beaucoup plus exposée au risque d'un effondrement économique que tout autre pays ou continent. La politique énergétique est en cause.

Ces derniers jours, les titres de la presse financière ne sont guère agréables à lire. Quelques exemples: Citibank prévoit que l'inflation au Royaume-Uni atteindra bientôt 18%. Au Royaume-Uni toujours, la facture énergétique d'un ménage moyen aura augmenté de 80% depuis avril dernier. En conséquence, les groupes de réflexion économique prévoient que certains Britanniques devront économiser sur leurs factures alimentaires et leurs dépenses de santé, ce qui entraînera une augmentation de la mortalité cet hiver...

En Belgique, comme on a pu le voir à la télévision, une retraitée fait face à une facture d'électricité qui a quadruplé et se demande comment elle pourra joindre les deux bouts cet hiver. Dans le monde de l'entreprise, les sociétés industrielles suffoquent sous des coûts énergétiques oppressants et les boulangeries ne voient pas comment elles pourront maintenir le prix du pain inchangé face à la montée en flèche des prix de l'électricité et du gaz. Qu'on se le dise, l'Europe croule sous ces factures énergétiques gigantesques.

Les autres pays ne sont pas forcément dans la même situation. La comparaison de nos prix de l'électricité avec ceux des États-Unis le prouve amplement. Les prix de gros de l'électricité aux États-Unis, en fonction de la région et de l'État, se situent entre 100 et 200 $/MWH, alors que le prix de gros de l'Allemagne est proche de 600 euros par MWH et celui de la France de près de 700 euros par MWH. Toujours en ce qui concerne les prix de l'électricité résidentielle, le prix moyen en Europe est environ trois fois supérieur à celui observé aux États-Unis.

Les raisons de cette différence de prix considérable sont le fait de l'Europe elle-même. L'Europe est supposée ne pas disposer de sources d'énergie propres, mais bien que des gisements de pétrole de schiste aient été découverts en France et en Pologne, l'Europe est réticente à forer pour exploiter ces réserves.

Au lieu de cela, chaque pays a poursuivi sa propre politique énergétique, ce qui a conduit à des situations très défavorables. La France a principalement misé son avenir énergétique sur le nucléaire. Mais aujourd'hui, près de la moitié des sites nucléaires sont en travaux de maintenance ou sont confrontés au fait que l'eau des rivières voisines est trop chaude pour refroidir ces réacteurs nucléaires, ce qui implique que la France est confrontée à une pénurie d'électricité.

L'Allemagne s'est vantée de son "Energiewende", ou tournant énergétique, visant à restructurer ses sources d'énergie pour en faire des sources à faible teneur en carbone et plus fiables. Ce faisant, elle s'est concentrée presque entièrement sur les énergies renouvelables et a fermé ses installations nucléaires.

Dans le même temps, elle a accru sa dépendance à l'égard de la Russie en ce qui concerne le gaz, par le biais de Nordstream 1 et du projet Nordstream 2, qui a été abandonné. Si personne ne peut reprocher aux Allemands de ne pas avoir prévu la guerre Russie-Ukraine, le fait d'avoir été incroyablement naïfs sur le plan géopolitique met aujourd'hui l'économie européenne dans une impasse.

Non seulement l'industrie allemande est confrontée à des prix du gaz qui ne sont plus compétitifs, car elle ne peut plus compter sur le gaz russe bon marché, mais elle exerce également une forte pression sur la croissance économique en Europe, du fait que "la locomotive allemande s'arrête".

Pour parler franchement, les décideurs européens ont négligé la règle sacrée que les investisseurs connaissent bien, à savoir ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. La diversification et la sécurité énergétiques ont été négligées.

Inutile de dire que cela aura un effet négatif sur les marchés. La hausse des prix de l'énergie et de l'électricité fera encore grimper l'inflation, ce qui obligera la BCE à agir plus énergiquement.

La perte de la dynamique économique et de notre avantage concurrentiel exerce également une pression sur la monnaie unique, qui est passée sous la parité avec le dollar. Un euro plus faible implique également que nous importerons davantage d'inflation, d'autant plus que les prix de l'énergie sont payés en dollars.

Les membres de la Bundesbank ont déjà indiqué qu'ils souhaitaient un euro plus fort pour contrer cet effet. Il est donc possible que les hausses de taux soient encore plus marquées. Un ralentissement de l'économie devrait, toutes choses étant égales par ailleurs, entraîner une baisse de la croissance des bénéfices, surtout si nous nous enfonçons dans une récession.

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Energie : "la crise russo-ukrainienne n'est pas la cause de nos malheurs"

Une bonne partie de la crise actuelle a été fabriquée durant les années 2010 et 2015. Le Covid-19 nous a permis de ne pas nous en rendre compte pendant deux ans.

Le philosophe Karl Popper était l'une des personnes les plus exigeantes qui soi. Je me souviens d'un livre de Guy Sorman sur "les plus grands penseurs de notre temps" et dans lequel l'auteur avouait être épuisé après une rencontre avec Karl Popper, car ce dernier reprenait chacune de ces questions, soit pour la reformuler, soit pour l'évacuer pour cause d'ineptie. Autant dire qu'après l'entretien Guy Sorman était épuisé intellectuellement. Si aujourd'hui Karl Popper était vivant, il nous dirait que tous ces commentaires sur l'Ukraine et la hausse du prix du gaz sont mal posés.

En réalité, même si Karl Popper n'est plus là, d'autres spécialistes de l'énergie s'évertuent à nous faire comprendre que si nous parlons aujourd'hui de pouvoir d'achat, ce n'est pas à cause de la guerre en Ukraine, mais en raison de l'imprévoyance de nos dirigeants politiques. Oui, bien sûr la guerre en Ukraine, et l'embargo décidé par l'Europe sur les hydrocarbures russes a accéléré le mouvement de hausse. Mais comme l'écrit Loïk Le Floch-Prigent, l'ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France "ce sont bien nos décisions qui conduisent aujourd'hui à nos difficultés. La crise russo-ukrainienne n'est pas la cause de nos malheurs, elle n'en est que le révélateur".

Ce qu'il veut dire par là, c'est que l'offre de gaz et de pétrole est en baisse depuis 2015. En effet, à l'époque, les gaz et pétroles de schistes américains avaient déjà envahi le marché mondial et le cours des hydrocarbures s'était effondré. Le résultat, comme l'explique l'expert Philippe Charlez près de mes confrères de Atlantico-.fr, c'est que les investissements dans les nouveaux champs pétroliers et gaziers n'étaient plus rentables et ont donc été drastiquement réduits. Comme le précise encore Philippe Charlez, cette baisse de l'offre a été renforcée par la pression des ONG environnementalistes sur les banques pour qu'elles cessent de prêter aux compagnies pétrolières et donc cette crise de l'offre, que nous avons donc voulu sans nous en rendre compte a simplement été accélérée par le conflit en Ukraine.

Autrement dit, une bonne partie de la crise actuelle a été fabriquée durant les années 2010 et 2015. Le Covid-19 nous a juste permis de ne pas nous en rendre compte pendant deux ans. Onpeut se plaindre de cette cécité de nos politiques ou au contraire se féliciter, se dire que maintenant ils vont mieux comprendre les messages des experts et les écouter enfin.

Un seul exemple : la fin de moteurs thermiques en Europe est prévue pour 2035. Qui est contre ce principe ? Personne, tout le monde veut rouler propre. Mais voilà, si tout le monde roule en électrique, comment fera-t-on à une échéance aussi courte pour fournir toute cette électricité ? Comme dirait ce jeune vidéaste inculte et un peu escroc sur les bords : "la question est vite répondue".

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Le Royaume-Uni, le nouveau Lehman Brothers ?
Pierre-Henri Thomas
Journaliste

En quelques jours, la Banque d'Angleterre (Bank of England, ou BOE) a été obligée d'effectuer un tournant à 180 degrés pour rattraper les effets dévastateurs du programme budgétaire et fiscal du nouveau gouvernement de Liz Truss.

Pour essayer d'endiguer les ventes paniques d'obligations et la chute de la livre sterling, la BoE a décidé hier mercredi de mesures d'urgence, consistant à émettre 65 milliards de livres sterling de nouvelle monnaie en achetant sur le marché des obligations d'État britannique (à raison de 5 milliards par jour pendant 13 jours). Une décision rendue nécessaire par les ventes paniques opérées depuis la fin de la semaine dernière sur le marché des obligations d'État, des ventes qui ébranlent fortement la solidité des fonds de pension britanniques, qui détiennent énormément d'obligations d'État à long terme. Or, la chute des cours de ces obligations obligent les fonds de pension à renflouer leur capital pour compenser ces pertes comptables, et ces fonds risquaient de devenir insolvables alors qu'ils constituent le principal pilier du système de retraites du pays.

"U-turn"
Cette nouvelle injection de liquidités va toutefois compliquer un peu plus encore la tâche de la banque centrale, qui était justement en train de réduire la masse d'obligations en sa possession pour réduire la masse de liquidités en circulation dans l'économie britannique afin de combattre l'inflation. Or voilà la BoE obligée d'opérer un "U-turn". L'opération semble avoir réussi puisque les obligations d'État britanniques à 30 ans, dont le rendement avait atteint un moment 5,1% (le plus hait rendement depuis vingt ans) sont retombée en dessous de 4% hier mercredi ? Mais ce jeudi matin, ils repartaient à la hausse.

Mais pourquoi un tel vent de panique ?
La première ministre Liz Truss a plaidé de multiples fois contre la politique monétaire traditionnelle. La cause première est l'annonce, en fin de semaine dernière par Kwasi Kwarteng, le chancelier de l'Échiquier du gouvernement de Liz Truss, d'un paquet fiscal basé sur une réduction d'impôt de 45 milliards de livres ciblant essentiellement les classes les plus élevées, mesures non financées par de nouveaux impôts ou de nouvelles coupes budgétaires. Deux décisions phares dans ce programme d'allègement qui représente 1,5% u PIB : les bonus octroyés par les institutions financières ne seront plus plafonnés, et le taux marginal d'impositions de 45% qui frappait les revenus les plus élevés est supprimé. Selon les estimations de l'Institute for Fiscal Studies, i l'on prend l'ensemble des mesures du paquet, seuls les ménages gagnant plus de 150.000 livres par an seront gagnants. Mais selon Liz Truss, le ruissellement des revenus des plus riches vers les moins riches, soutenu par cette politique fiscale, devrait faire repartir l'économie britannique. Elle table sur un retour à une croissance réelle de 2,5%, ce que le pays n'a plus connu depuis la grande crise financière de 2008.

Cadeau fiscal
Si les marchés ont très mal réagi, c'est parce que certains se souviennent qu'un cadeau fiscal d'une ampleur comparable, distribué en 1972, avait fait flop : ces largesses avaient dopé l'inflation et au final, la Banque d'Angleterre avait dû resserrer davantage la vis.

Aujourd'hui, la réédition de cette politique suscite un vent de protestations d'un peu tous les côtés : le Fonds monétaire international a demandé à Liz Truss de "réévaluer" sa politique. Un professeur de la London School of Economics estime que ces dispositions vont fragmenter un peu plus encore la société britannique. Et l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, accuse ces "trussonomics" de saper les institutions économiques du pays et d'aller à l'encontre de la politique de la banque d'Angleterre et que décider d'un tel budget partiel (autrement dit, ne pas adosser ces réductions d'impôts à de nouvelles mesures pour compenser la dépense), "dans un contexte déjà difficile pour l'économie mondiale et les marchés financiers, a mené à des soubresauts plus importants encore dans ces mêmes marchés".

L'ancien prix Nobel d'Economie, Paul Krugman, a tenté de clamer la panique sur Twitter : "Oui les Trussonomics sont stupides. Mais il semble y avoir actuellement beaucoup d'hyperventilation. Non, cela ne provoquera pas de crise mondiale - Bon Dieu, la Grande-Bretagne ne représente que 3,2 % du PIB mondial. Et si les marchés britanniques sont en pagaille, nous sommes loin de 1976 (année d'une crise importante de la livre britannique et une inflation touchant les 25%, NDLR). Ressaisissez-vous".

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Quand cela s'arrêtera-t-il?
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Chaque semaine amène une nouvelle statuette au musée des horreurs de la mauvaise gestion des deniers publics.

On voudrait parler d'autre chose. Par exemple des défis passionnants qui nous attendent pour construire le monde de demain. Mais nous voilà obligés de nous engluer une fois de plus dans les problèmes de gouvernance qui règnent au sud du pays. Chaque semaine ou presque amène une nouvelle statuette au musée des horreurs de la mauvaise gestion des deniers publics. Ces derniers jours, il s'agissait des salaires des hauts fonctionnaires bruxellois et de ceux des employés de la Cwape, le régulateur wallon de l'énergie. Mais quand ce feuilleton, qui pourrait s'intituler Plus belle la vie de certains fonctionnaires, s'arrêtera-t-il?

La Cour des comptes a épinglé la différence très substantielle de salaires en fin de carrière entre un fonctionnaire de la Vreg (le gendarme flamand de l'énergie) et son homologue de la Cwape (le gendarme wallon de l'énergie) alors que les deux remplissent une mission identique. Comme le note une consoeur de L'Echo, cette différence "en fin de carrière, atteindrait 30.218 euros par an pour un agent de niveau A, et 62.191 euros pour un niveau B". La Cwape se défend en estimant que les augmentations barémiques sont, dans la réalité, bien moindres que celles prises en considération par la Cour des comptes. Il reste que les frais de la Cwape sont supérieurs à ceux de la Vreg alors que l'organisme wallon compte moins de personnel. Pourquoi?

A Bruxelles, nos confrères du "Soir" ont révélé les conséquences hallucinantes d'un décret pris voici une dizaine d'années qui garantit aux hauts fonctionnaires régionaux (ceux dont les salaires dépassent les 120.000 euros annuels) le maintien à vie de leur rémunération après 10 années passées dans la fonction. L'objectif est d'attirer les personnels de l'administration, permanents ou contractuels, à postuler à ces fonctions de cinq années renouvelables qui demandent de passer un concours puis une évaluation à chaque fin de cycle. Deux hauts fonctionnaires arrivés à 10 ans de carrière se sont donc vus attribuer une fonction quasiment factice pour continuer à percevoir leur salaire: l'un est devenu "coordinateur Ukraine", l'autre "directrice chef de service pour le pilier de Bruxelles Synergie gérant les directions ayant un rôle de coordination régionale". On cherche encore ce que cet intitulé signifie dans la vraie vie.

On est sidéré de voir avec quelle légèreté les élus usent parfois des deniers publics.

A ceux qui demandent: "pourquoi ce traitement de faveur?", il leur a été laborieusement répondu que, primo, il fallait bien attirer les gens et rémunérer le risque pris (ah bon? ceux qui postulent dans le privé ne prennent-ils pas de risques? ). Et, secundo, que finalement, sur une masse salariale dans la fonction publique bruxelloise de 1,4 milliard d'euros, ce "Win for Life" était une goutte dans la mer (ah bon? et à partir de quel montant peut-on alors commencer à parler d'indécence? ).

Tout comme dans les affaires précédentes (la saga Nethys/Publifin ou les frasques du greffier du Parlement wallon), on est sidéré de voir avec quelle légèreté les élus usent parfois des deniers publics. On est tout autant interloqué d'entendre les responsables se justifier en se référant à ce qui se passe dans le privé ou plutôt dans ce qu'ils imaginent s'y passer.

Certes, il y a quelques grandes entreprises qui, en effet, ont licencié des cadres en trouvant des solutions pour maintenir quasiment leur rémunération au même niveau jusqu'à la pension. Certes, on connaît des CEO qui ont pu bénéficier de parachutes dorés avec poignées serties de diamants. Mais ils sont une infime minorité. Dans quasiment toutes les PME du Royaume, on compte ses sous et l'on essaie de faire en sorte que chaque dépense soit la plus efficace possible, pour le bien de l'entreprise. S'il y a une référence à prendre au monde privé, c'est bien celle-là.

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La politique wallonne est une véritable gangrène qui mène cette Région à un appauvrissement généralisé.
Un appauvrissement uniquement pour le peuple, évidemment. Il en est tout autre pour la multitude des politiciens et la cohorte des hauts fonctionnaires.
Et pourtant, ce peuple aveugle à ce qu'il se passe autour de lui vote, à chaque élection, pour les mêmes parasites et encourage ainsi un système d'une incompétence rare et d'une gloutonnerie financière sans limite.

Cordialement,
Docanski

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

"Ce sont des sots qui travaillent, et ces sots, ce sont les Flamands"
Olivier Mouton Journaliste

Les nationalistes flamands estiment qu'il faut choisir "entre confédéralisme et paupérisation". Les extrémistes du Belang et du PTB dénoncent un rapprochement entre N-VA et Vooruit. En toile de fond, l'enjeu est clair: en 2024, ce sera la Vivaldi ou l'aventure.
"En 2024, les Flamands auront le choix entre le confédéralisme ou la paupérisation." La voix de Bart De Wever porte certes moins loin et scandalise moins fort que par le passé, mais le président de la N-VA a pourtant balisé l'enjeu de cette année sur le plan socio-économique, lors des voeux de son parti, ce week-end à Malines. En retour, les expressions extrémistes du Vlaams Belang et du PTB sont venus rappeler l'autre menace majeure qui pèsera sur le pays en 2024. Verdict: le gouvernement De Croo n'a d'autre solution que d'agir.

"Après De Croo, le déluge"
L'analyse de Bart De Wever est éloquente: "Après De Croo, le déluge." Pour dire à quel point la Vivaldi fédérale serait néfaste, le président nationaliste flamand dénonce son manque de rigueur budgétaire, contrairement au gouvernement flamand dirigé par le ministre-président Jan Jambon, N-VA évidemment.

"Si la politique reste inchangée, la Flandre reviendra à l'équilibre budgétaire. La Flandre pourra ainsi se tenir aux côtés des Pays-Bas, de l'Allemagne et des pays scandinaves, insistait ce week-end Bart De Wever. Pas de réformes et un faux budget avec le plus gros déficit de toute l'UE. La Belgique ne peut même plus se tenir aux côtés des pays du sud de l'Europe."

La faute à cette Belgique francophone qui dépense sans compter. "Au niveau budgétaire, nous sommes la lanterne rouge de l'Europe, alors que nous avons la plus forte fiscalité sur le travail au monde. Ce sont des sots qui travaillent, et ces sots, ce sont les Flamands."

La solution n'est autre que le confédéralisme et le retour de la N-VA au pouvoir. CQFD.

"Pas jouer petit bras"
S'il en fallait encore un, ce positionnement témoigne de la nécessité politique pour la Vivaldi d'avancer au niveau des réformes des pensions, du marché du travail et de la fiscalité, ainsi qu'à un retour progressif à l'équilibre budgétaire. Tous les ténors de la majorité fédérale se sont exprimés en ce sens ces derniers jours: oui, cette année 2023 sera décisive. Encore faudra-t-il concilier les points de vue.

Après son président de parti, Paul Magnette, le secrétaire d'Etat fédéral à la Relance, Thomas Dermine a insisté, dans notre Trends Talk ce week-end sur Canal Z, sur la nécessité d'aboutir à une réforme fiscale d'envergure baissant les charges sur les bas et moyens revenus, en faisant contribuer les plus nantis. Un axe "écosocialiste" se dessine. Et ce n'est pas le dernier rapport d'Oxfam au sujet des inégalité qui va décourager leur approche: en Belgique, 1% de la population détient un quart des richesses, indique-t-il fort opportunément.

"Nous ne jouerons pas petits bras", a encore promis lui aussi Jean-Marc Nollet, coprésident d'Ecolo, au Soir. Ce lundi 16 janvier, lors des voeux du parti, Ecolo a pointé ses objectifs pour les prochains mois: crédit d'impôt solidaire susceptible de relever les bas et moyens revenus de 300 euros nets par mois, baisse d'impôts sur les transports en commun, les fruits et légumes; en finir avec la bétonisation à outrance; et accentuer la lutte contre la corruption.

Georges-Louis Bouchez, président du MR, a critiqué la RTBF pour avoir diffusé ce rapport Oxfam et "ses énormités de bêtises en créant la confusion entre patrimoine privé et celui des entreprises". Le 14 janvier, il assénait aussi: "Nous voulons une baisse de la fiscalité de 8 milliards d'euros. Cette réforme sera financée par l'augmentation du taux d'emploi, pas par la suppression des niches fiscales. Nous avons un taux d'emploi 10 points plus bas qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas."

Bref, il y aura du travail pour trouver un compromis, c'est le moins que l'on puisse dire.

La menace radicale
Si Bart De Wever a reposé l'enjeu confédéral et la nécessité de réformes ce week-end, deux autres partis ont également rappelé que la menace radicale est la principale ombre qui plane sur le scrutin de 2024. Tous deux se posent d'ailleurs en alternative de la Vivaldi... et de la N-VA. Leur seul désir: bloquer le système institutionnel belge ou renverser la table.

Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, a asséné: "Si vous voulez voter pour la N-VA, vous aurez aussi les socialistes, car De Wever veut conclure un accord historique avec les socialistes."

Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB, a plaidé quant à lui en faveur de majorités à gauche toute, fustigeant les socialistes flamands de Vooruit: "Il est difficilement compréhensible qu'un parti soi-disant progressiste fasse tout pour accrocher sa caravane à la voiture de Bart De Wever". Précision utile: le PTB ne se dit toutefois prêt à gérer qu'au niveau local.

En 2024, c'est dit: ce sera la Vivaldi bis ou l'aventure. Pour espérer prolonger le bail, Alexander De Croo n'a qu'une issue: réformer et couper l'herbe sous le pied des arguments de la N-VA. Agir, aussi,, pour éviter le blocage des extrême

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Les appels à projet, ce fléau wallon

L’Union des villes et communes de Wallonie dénonce l’inflation des appels à projets lancés par la Région. Ils génèrent de lourdes charges administratives pour des résultats pas toujours pertinents ni très transparents. 

Les appels à projets, vous ne voyez quasiment plus que cela dans les décisions du gouvernement wallon. En apparence, c’est une bonne chose : cela donne à chacun la chance de rentrer un projet et d’obtenir les subsides régionaux promis. Dans la pratique, c’est catastrophique. Il y a une telle avalanche d’appels que cela annule l’effet d’ouverture du jeu de ce mécanisme. Ceux qui sont bien aiguillés par le pouvoir régional –les amis de mes amis- parviendront à naviguer dans le nombre et la complexité de ces appels et à décrocher les subsides.

L’union des villes et communes de Wallonie s’est fendue d’un courrier incendiaire contre les effets pervers de ce « tsunami permanent d’appels à projets ». Elle dénonce l’aspect chronophage du mécanisme, tant pour les pouvoirs locaux qui remplissent les dossiers et les bureaux d’études qui les aident dans cette tâche (ce qui, au passage, entraîne une dépense supplémentaire) que pour l’administration wallonne, chargée de traiter les dossiers.

Si cela prenait du temps pour la bonne cause, pourquoi pas ? Mais ce n’est même pas le cas. Bien au contraire, à lire l’argumentaire de l’UVCW :

-Le recours systématique aux appels à projets « excite la concurrence entre pouvoirs locaux », alors qu’il faudrait plutôt des synergies pour réduire les coûts et améliorer la gouvernance.

-Il place la Région en « arbitre », prêt à « sanctionner la moindre petite erreur dans une dossier », plutôt qu’en conseiller des pouvoirs locaux.

-il attise l’effet d’aubaine « au lieu de financer des actions locales mûrement réfléchies dans un cadre structurel ». En d’autres termes, une commune ou un cpas ne lance pas un projet parce qu’elle le trouve utile et prioritaire mais simplement parce qu’il est bien financé par la Région. « Cela accentue l’incompréhension des citoyens confrontés à des travaux « inutiles » (là un passage pour piétons éclairé en rase campagne, là une halte bucolique sur une voie rapide…), assène l’Union des villes et communes. On travaille ainsi sur des projets qui ne sont pas vraiment ceux dont on a besoin.

-Les appels ne sont pas toujours très transparents et « n’ont pas fait l’objet d’une information cohérente et claire en amont pour mettre l’ensemble des pouvoirs locaux sur un pied d’égalité et en ordre de marche pour concourir ». C’est peut-être le point le plus assassin du courrier de l’UVCW : sous couvert d’ouverture à tous, le pouvoir régional renforce en fait le favoritisme. Cela vaut pour les communes mais aussi pour toutes les associations et instances diverses susceptibles de répondre à ces innombrables appels à projets.

La solution : un droit de tirage
L’Union des villes et communes, dont la démarche est partagée par la Fédération des CPAS ainsi que celles des directeurs généraux et des receveurs, avance une alternative : un système de droits de tirage. « Il se basera sur une procédure simple d’octroi sur base de critères préétablis, sans procédures administratives lourdes de contrôle en s’appuyant sur une réelle confiance dans les pouvoirs locaux », écrivent-ils.

Le problème, c’est que les droits de tirage réduiraient le pouvoir des ministres, leur emprise sur l’affectation concrète des moyens régionaux. Ils ne sont donc guère enclins à glisser vers ce système, même si la plupart d’entre eux ont été bourgmestres ou échevins pendant de longues années et ont sans doute aussi pesté contre la multiplication et la complexité des appels à projets. Manifestement, la fameuse expérience de terrain, si souvent évoquée pour justifier les cumuls de mandats, n’a pas toute la pertinence qu’on lui prête parfois. A cet égard, il est piquant de relever que le courrier de l’UVCW est adressé à Christophe Collignon, ministre des pouvoirs locaux, qui est par ailleurs bourgmestre empêché de Huy. A ce titre, il est quasiment cosignataire de la lettre au ministre.

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Re : Economie Politique - Reflexions et discussions

Parfum de crise au gouvernement flamand

Pas d’accord sur le dossier sensible de l’azote. La crédibilité du ministre-président flamand Jan Jambon est entachée. Le politologue Dave Sinardet compare ce blocage… à celui que la N-VA dénonce pour la Belgique.

Il flotte un parfum de crise au sein de la majorité flamande, emmenée par la N-VA accompagnée de l’Open VLD et du CD&V. En dépit d’une longue réunion nocturne et de plus de dix-sept heures de discussion, les partenaires n’ont pu aboutir à un compromis sur le dossier sensible de l’azote. Le ministre-président, Jan Jambon (N-VA), se présentera les mains vides ce mercredi après-midi au parlement. Sans aucune certitude sur la perspective de voir ces discussions reprendre.

Alors que le gouvernement flamand s’était entendu il y a un an sur un grand plan azote, il a dû rouvrir la discussion à l’issue d’une enquête publique. Poussé par le Boerenbond et protégeant son ministre de l’Agriculture, Jo Brouns, le CD&V estime que les agriculteurs sont trop durement touchés par les restrictions envisagées – qui incluent des fermetures d’exploitations jugées trop grandes émettrices d’azote et classées « rouge » -, par rapport aux industriels.

« Des négociations constructives ont eu lieu sur quelques points mineurs », mais la N-VA, entre autres, « ne veut pas bouger » sur deux « points fondamentaux » pour le CD&V, disait-on du côté des démocrates chrétiens flamands à l’issue des négociations.

Le SP.A a déjà proposé ses services pour dépanner la N-VA en vue d’une majorité alternative. Mais selon le Standaard, cette crise concerne bien plus que ce dossier certes délicat, entre impératifs économiques et contraintes environnementales: il s’agit tout simplement de voir si Jan Jambon dispose encore de l’autorité nécessaire…

Jambon appelle au « sens de l’Etat »
Malgré l’échec de la nuit dernière, le ministre-président flamand Jan Jambon compte bien parvenir à un accord dans les prochains jours dans le dossier de l’azote, a-t-il affirmé mercredi après-midi à son arrivée au parlement flamand.

Si son gouvernement, malmené depuis des mois par ce dossier, est toujours « intact », il en appelle néanmoins au « sens de l’État » de l’ensemble des partis afin de parvenir à un accord. « Je suis déçu mais déterminé », a-t-il ensuite dit devant les parlementaires régionaux. « Le gouvernement a travaillé très dur ces dernières semaines. De nombreuses pierres d’achoppement ont été supprimées, mais il reste encore des points compliqués à résoudre. Jusqu’à présent, nous n’y sommes pas parvenus », a-t-il reconnu.

La critique acerbe de Dave Sinardet
Dans une chronique publiée par le Morgen, voici quelques jours, le politologue Dave Sinardet (VUB) compare ce blocage… à celui que la N-VA dénonce pour la Belgique.

Il ironise, au départ d’une analyse inventée de toute pièce que voici:

« Le gouvernement Jambon avait pour mission, en faisant preuve d’unité dans sa gestion et en engageant des réformes fondamentales, de démontrer l’opérationnalité de la Flandre. Or, c’est tout le contraire qu’il nous donne à voir. En raison du fossé qui ne cesse de se creuser entre les différents partis, le modèle flamand se heurte à ses limites. L’immobilisme de la Flandre, dans à peu près tous les domaines, est devenu intenable.

La Flandre tenait là sa dernière chance d’apporter la preuve de sa valeur ajoutée, mais si les responsables flamands ne parviennent même pas à assurer la mise en œuvre effective de l’un des rares accords qui les liaient encore, c’en est terminé. Ils deviennent les fossoyeurs de l’autonome flamande à laquelle ils se cramponnaient tant. Une seule conclusion s’impose : cette région ne fonctionne plus. Face à un gouvernement flamand incapable de mener à bien le moindre chantier, une réforme de l’État est inévitable. Le moment venu, les partis flamands continueront de plier face au pouvoir, pour conserver leurs petits postes, mais il leur faudra désormais accepter que l’évolution vers une Belgique unitaire est devenue inéluctable. »

« Vous trouvez cette lecture de la crise que traverse le gouvernement flamand excessive, peut-être même grotesque, voire hystérique?, écrit Dave Sinardet Je ne peux que vous donner raison. Aucun responsable politique ou commentateur n’a en effet livré une telle analyse — à juste titre. Pourtant, elle vous semble familière n’est-ce pas ?

Et pour cause : dans les deux premiers paragraphes de cet article, remplacez « Flandre » par « Belgique », « Jambon » par « De Croo » et « unitaire » par « confédérale ». La démonstration n’en reste pas moins aussi emphatique que simpliste, mais l’écho qu’elle trouve dans les médias est bien plus retentissant.

De fait, je me suis inspiré, pour rédiger cette analyse fictive des déboires du gouvernement flamand, de déclarations récentes d’un certain nombre de faiseurs d’opinion et de responsables politiques (issus de partis non radicaux) — mais au sujet du niveau fédéral.

Cet exercice permet de mettre en exergue le ton et le vocabulaire employés, très différents selon que l’on vise le gouvernement régional ou national. Ainsi, si les désaccords au sein de l’exécutif flamand sont le plus souvent assimilés à un accident de parcours, les dissensions au sein de l’équipe fédérale sont invariablement interprétées comme une crise existentielle annonçant l’effondrement définitif du pays. »

Traduisez: la N-VA présente souvent le confédéralisme comme solution idéale pour la Belgique, mais peut-être ferait-il bien, par moments, de balayer devant sa porte.