Re : Chine
Le yuan au plus bas depuis 8 ans, équation compliquée pour Pékin
(15.11.2016 / 11:20:00)
(développement)
Pékin (awp/afp) - Le yuan est tombé mardi au plus bas depuis huit ans face à un dollar revigoré: un regain de pression qui bouscule les ambitions de Pékin et complique la tâche de la banque centrale chinoise face au risque d'une guerre commerciale transpacifique.
La banque centrale chinoise (PBOC) a fixé mardi à 6,8495 yuans pour un dollar, en baisse de 0,30% par rapport à la veille, le taux-pivot autour duquel le yuan est autorisé à fluctuer face au dollar (dans une fourchette de 2%). C'est un plus bas depuis septembre 2008. Il y a un mois, ce pivot s'établissait encore à 6,7 yuans.
Dans la foulée, la monnaie chinoise a poursuivi de plus belle son repli des derniers jours, chutant de 0,26% à la mi-journée, avant de terminer à 6,8530 yuans pour un dollar (-0,18%).
Le régime communiste continue d'encadrer et de soutenir sa monnaie mais ne peut faire abstraction des pressions du marché.
Le récent plongeon du renminbi (autre nom du yuan) s'explique avant tout par le vigoureux rebond du dollar au lendemain de la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine... et par les objectifs du milliardaire populiste.
"Pour l'instant, c'est surtout du côté du dollar que ça se passe", confirme à l'AFP Michael Every, analyste de Rabobank.
Les cambistes se concentrent sur les ambitions du président élu en termes d'investissements publics et de réductions d'impôts, y voyant un gage de croissance. Le billet vert reste aussi dopé par le relèvement probable en décembre des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine (Fed).
Ironie de l'histoire: Donald Trump avait volontiers accusé durant sa campagne Pékin de sous-évaluer le yuan pour doper ses exportations au détriment des intérêts américains... quand bien même la Chine intervient massivement pour au contraire soutenir sa devise.
Or, "le yuan aura largement de quoi descendre encore plus bas si le président Trump s'engage dans des plans de relance massifs et des mesures protectionnistes", commente Michael Every, prédisant une glissade à 7 yuans pour un dollar.
- Fuites de capitaux -
De quoi compliquer la donne pour la banque centrale chinoise.
Celle-ci joue déjà les équilibristes entre la relance d'une économie morose, la libéralisation progressive des marchés financiers et les efforts de "stabilisation" du yuan pour encourager son usage international.
Depuis une dévaluation de 5% orchestrée en août 2015 par le gouvernement, le renminbi reste sous très forte pression en raison de colossales fuites de capitaux hors du pays.
Avec l'élection de Donald Trump, la perspective de placements encore plus rémunérateurs aux Etats-Unis pourrait gonfler cette hémorragie de capitaux: outre les relèvement des taux d'intérêt, la perspective de dépenses publiques accrues, source d'inflation, fait grimper nettement les taux d'emprunt aux Etats-Unis.
La Chine est "dans l'incertitude", car "il reste à voir quelle politique Trump mettra véritablement en oeuvre", tempère Alan Oster, chef économiste de la banque NAB à Pékin.
Un Parti républicain peu favorable à une débauche de dépenses fédérales pourrait bloquer au Congrès américain une partie de ses projets, remarque-t-il.
Pour autant, Pékin pourrait durcir encore ses restrictions sur les mouvements financiers, quitte à étouffer ses ambitions affichées d'ouverture progressive des marchés de capitaux.
"Le volume d'échanges sur le yuan reste actuellement très élevé, ce qui coïncide habituellement avec un gonflement des sorties de capitaux et une pression à la baisse" sur le cours, observe Jason Daw, de la Société Générale.
"La PBOC préfère freiner le rythme de dépréciation du yuan, mais la propre évolution du dollar restera un facteur décisif", prévient-il, prédisant un bond du billet vert à 7,10 yuans courant 2017.
Face au renchérissement du dollar et aux menaces protectionnistes de Donald Trump --qui a promis des droits de douane prohibitifs sur les importations chinoises--, la Chine pourrait laisser sa monnaie reculer sous la simple pression du marché --un moyen de compenser le choc pour ses exportations.
Le géant asiatique pourrait également, d'un autre côté, profiter de l'isolationnisme prôné par Trump, estime Guan Tao, ex-responsable de l'administration chinoise des changes, cité par Bloomberg.
"Le besoin (pour les investisseurs) de diversifier davantage les devises de leurs actifs se fera sentir", note-t-il. "Ce serait une opportunité pour le yuan", après son entrée en septembre parmi les devises de référence du Fonds monétaire internationale (FMI).
afp/al