Des fois t’es mauvais, mais des fois tu ne sers juste à rien
Par Thomas Veillet · Le 13 décembre 2016
Il y a bien longtemps, je suis rentré dans une salle de trading comme on entre en religion. Avec ferveur et passion. À cette époque, alors j’étais encore jeune et naïf – alors qu’aujourd’hui je ne suis plus que « et » – lorsqu’un analyste parlait dans le téléviseur ou dans un journal financier, j’étais SÛR qu’il savait. J’étais certain qu’il avait une sorte de magie, de talent, de compétence hors du commun qui faisait qu’il SAVAIT, qu’il ne pouvait pas se tromper.
Puis les années passant, les déceptions s’accumulant, je commençais à me dire que la recherche fondamentale ressemblait plus à du bricolage qu’à de la science et que lire l’avenir dans le marc de café avait l’air tout aussi efficace.
J’ai souvent critiqué les prévisions de certains, je me suis souvent gaussé et remis en doute les compétences des uns et des autres, tellement gaussé que par moment, je me suis même posé la question de savoir si je n’en faisais pas une croisade personnelle…
Aujourd’hui je suis rassuré.
Rassuré parce que je me rend compte que, selon les données publiées ci-dessous, les recommandations des analystes et autres banquiers d’affaires, sont à peu près aussi efficaces, si ce n’est moins efficaces que de jouer ses décisions d’investissements et sa caisse de retraite à pile ou face !!!
Commençons tout d’abord par le premier graphique qui simule le cas hypothétique où vous achèteriez chaque recommandation faite par les 16 banques d’affaires sélectionnées et ceci sur une période de 12 mois – dans ce cas-là, sur la totalité de l’année 2015.
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En résumé, vous auriez un taux de réussite inférieur à la bonne vieille technique du pile ou face… mais en plus de cela, en investissant sur TOUTES les recommandations de l’année, votre rendement est NÉGATIF de 4.79% !!!! À ce rythme-là, autant se péter une jambe.
Le second graphique montre la performance de la Deutsche Bank individuellement… Ce n’est pas pour dire du mal de la Deutsche, ce n’est d’ailleurs pas les pires, de loin pas. Mais vous noterez que sur l’année 2015, ils perdent 8,93% sur leurs recommandations, avec un taux de réussite de 41% – sur 22 propositions, ils sont faux 13 fois, avec deux recommandations qui perdent près de 50%.
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Notons au passage que Canaccord remporte la palme de la pire performance de 2015 avec une perte de près de 16% – revanche, le Crédit Suisse gagne 3.4% sur l’année. Comme quoi tout n’est pas bon à jeter.
Terminons avec deux graphiques, le premier représente le taux de réussite des 16 banques. Vous noterez que sur 16 banques, 6 ont un taux de réussite supérieur ou égal à 50% – ce qui veut dire en résumé que près de deux tiers des banques qui font des recommandations, ne servent à rien…
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Le dernier graphique représente les performances de chaque banque durant l’année 2015… Là aussi, c’est édifiant. Sur 16 banques 2 seulement peuvent se targuer d’avoir une performance positive. C’est tout simplement phénoménal ou catastrophique, c’est selon. A noter que durant l’année 2015, le S&P500 a offert une performance de 2%… Pour faire simple, en achetant un bon vieux tracker sur le S&P500, vous faisiez 2%, en écoutant 14 banques d’affaires, vous faisiez pire, voir bien pire selon le banquier que vous aviez choisi.
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La conclusion s’impose d’elle-même.
Nous pouvons analyser la chose comme bon nous semble, une chose est certaine ; la finance et l’investissement n’est pas une science exacte, bien au contraire. Ce n’est d’ailleurs même pas une science du tout. Il est illusoire et utopique de croire qu’une bande d’analystes va pouvoir deviner à coup sûr ce qui va se passer…
Peut-être qu’il serait temps de se rendre compte que ces recommandations n’ont pour but que d’attirer le chaland et de lui faire croire que « l’on sait mieux que lui »… D’aussi loin que je me souvienne, ces prévisions n’ont été réellement efficaces dans les marchés où personne ne pouvait se tromper. Et encore on n’aborde même pas le fait qu’il y a toujours plus d’analystes qui sont « positifs » que « négatifs » sur leurs recommandations, sachant que pour leurs départements « Fusions et Acquisitions », ça fait mauvais genre d’avoir des recommandations négatives, alors on s’accommode, on se débrouille, on se met « neutre » ou on laisse tomber la couverture quand ça nous arrange pas.
Bref, ces quelques graphiques me rappellent agressivement que parfois le sentiment que les opinions des banques ne servent à rien, n’est pas qu’un sentiment, mais une simple réalité.
Je ne suis pas là pour vous donner des conseils ou pour vous expliquer comment investir, mais une chose est sûre, croire que les choses publiées par des professionnels sont parole d’évangile, serait une erreur majeure et fondamentale… Se faire sa propre idée et savoir pourquoi nous prenons telle ou telle décision, semble bien plus logique que d’écouter des gens qui jouent leurs décisions à pile ou face… et qui se gourent quand même…
L’étude en question a le mérite d’exposer concrètement ce que l’on pensait tout bas depuis longtemps. Vous pourrez trouver toute l’étude en détail sur le site Gurudex mais je vous préviens tout de suite, vous pouvez manipuler les données dans tous les sens, à la fin, certaines banques sont toujours aussi nulles…
Mais ce n’est pas de leur faute, c’est surtout qu’il faut juste admettre que parfois la finance est indomptable, même pour les meilleurs…
Dernière modification par PhilM (14-12-2016 10:19:14)
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