Airbus : la lumière au bout du tunnel pour l'A400M
Le gros porteur d'Airbus va enfin effectuer des largages, atterrir sur des terrains sommaires, ravitailler en vol : après des années de déconvenues, «on voit le bout du tunnel», osent espérer pilotes et mécaniciens de l'armée de l'Air.
«Les derniers appareils livrés donnnent des signes très positifs. On peut raisonnablement s'attendre à une explosion de l'activité des A400M à partir de mars 2017», relève le colonel Michel Gallazzini, commandant de la base 123 d'Orléans-Bricy où la flotte française (dix appareils) est stationnée.
Jusqu'ici, le gros porteur assurait uniquement du transport de fret, comme n'importe quel avion cargo civil, d'un aéroport à un autre. Désormais, il offrira des capacités tactiques, répondant aux besoins des opérations.
«L'idée c'est de pouvoir "délivrer" directement sur Madama (Niger), Gao ou Tessalit (Mali) et d'éviter les convois logistiques qui sautent sur des mines», un risque majeur pour les soldats engagés dans l'opération Barkhane au Sahel, note le colonel Gallazzini.
Cela veut dire atterrir sur des pistes en terre, typiquement de la latérite comme à Madama, le verrou antijihadiste français installé à la sortie de la Libye. L'A400M a passé avec succès les premiers tests dans ce domaine.
«On va se poser beaucoup plus maintenant qu'on a la maîtrise des pistes», renchérit le chef de l'escadron des A400M, le lieutenant-colonel Benoît (les militaires ne dévoilent plus leur idendité pour des raisons de sécurité).
A400M bashing
Afin de réduire le risque d'exposition au feu ennemi, les équipages vont s'entraîner à «arriver de nuit, avec une très forte pente, tous feux éteints, en étant équipés de jumelles de vision nocturne», ajoute le lieutenant-colonel Benoît.
L'A400M va aussi ravitailler en vol des avions de combat et de transport et disposera désormais de systèmes de leurres et brouillages assurant son autoprotection.
Autant de capacités qui lui faisaient jusqu'ici cruellement défaut, au point de susciter l'impatience sinon la dérision pour ce programme européen lancé dans les années 2000 mais qui a cumulé depuis les retards.
«Il a des défauts de jeunesse comme tous les avions et programmes d'armement. Mais là, c'est du A400M "bashing" en permanence !», s'agace même le lieutenant-colonel Diane, chef du service de maintenance de l'avion à Orléans.
Tout n'est pas réglé pour autant : le largage des parachutistes par les portes latérales reste compliqué en raison des turbulences provoquées par les réacteurs - le fret étant largué par la rampe arrière - et l'avion ne sait toujours pas ravitailler des hélicoptères en vol.
Cette question est cruciale sur des théâtres qui s'étirent sur des milliers de kilomètres, comme au Sahel, où les hélicoptères s'exposent à la poussière, très nocive pour les moteurs, et au feu ennemi quand il vont refaire le plein au sol, dans des lieux isolés.
Comme saint Thomas
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian s'est publiquement ému des nombreux retards de l'A400M, y compris de livraison, dénonçant une «situation extrêmement préoccupante».
Dans une audition le 16 novembre devant la commission Défense de l'Assemblée nationale, il s'est montré cette fois plus optimiste devant les progrès enregistrés : «L’expression de mon mécontentement a payé, mais je suis comme saint Thomas.»
La crise des moteurs – un problème qui nécessitait une révision technique toutes les 20 heures de vol et pesait fortement sur la disponibilité de l'avion – est aussi en passe d'être réglée.
«Ils sont en train de produire les pignons qui vont mettre fin au problème», indique-t-on de source gouvernementale proche du dossier.
En 2016, Airbus s'était engagé à livrer à l'armée française trois A400M neufs et trois appareils rétrofités, c'est-à-dire modernisés avec les capacités tactiques qui leur manquaient.
«A ce stade ils vont y arriver. Il en reste un neuf à livrer (il est en phase d'essais). Cela veut dire qu'en janvier, si tout va bien, on pourrait avoir une flotte A400M de 11 avions dont six avec des capacités tactiques», ajoute la source gouvernementale.
Le Revenu, avec AFP